Page 148 - Des jardins et des hommes
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des jardins et des hommes
lasse quand on la détourne de son travail trop long-
temps ; elle voulait bien produire de grands végé-
taux, elle y était portée ; elle leur donnait la sève
avec largesse.
Condamnée à se transformer sous d’autres
influences, la, terre transforme ses moyens d’action.
Défrichée et engraissée, elle fleurit et fructifie, à la
surface, mais la grande puissance qu’elle avait pour
les grandes créations, elle ne la plus et il n’est pas sûr
qu’elle la retrouve quand on la lui redemandera.
Le domaine de l’homme devient trop étroit pour
ses agglomérations. Il faut qu’il l’étende, il faut que
des populations émigrent et cherchent le désert.
Tout va encore par ce moyen, la planète est assez
vaste et assez riche pour le nombre de ses habitants ;
mais il y a un grand péril en la demeure, c’est que les
appétits de l’homme sont devenus des besoins que
rien n’enchaîne, et que, si ces besoins ne s’imposent
pas, dans un temps donné, une certaine limite, il n’y
aura plus de proportion entre la demande de
l’homme et la production de la planète.
Qui sait si les sociétés disparues, envahies par le
désert, qui sait si notre satellite que l’on dit vide
d’habitants et privé d’atmosphère, n’ont pas péri
par l’imprévoyance des générations et l’épuisement
des forces trop surexcitées de la nature ambiante ?
En attendant que l’humanité s’éclaire et se ravise,
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