Pèlerins mythiques
Ce matin, je reçois dans mon courrier un mille-feuille comme je les aime, un épais volume de témoignages dédié aux chemins de Saint-Jacques. Des pèlerins qui racontent leurs impressions de voyage, rien de bien nouveau me direz-vous. Sauf que ce recueil* réunit des récits qui traversent le temps. Dès le XIe siècle et jusqu'à nos jours des hommes - et des femmes - ont convergé vers Compostelle. Ces quêteurs de toutes conditions, nobles, évêques, abbés, étudiants ont rédigé journaux intimes, lettres de voyage, odes, contes, guides d'étape… avec la langue, les yeux et la culture de leur temps.
Ainsi en 1425, un Anglais anonyme embarque à Plymouth, passe le col de Roncevaux et, de León, indique le premier la voie d'Oviedo. Je le cite : « Là les grandes montagnes commencent/Jusqu'à Villafranca tu dois aller/Une jolie contrée, avec du vin Les baies poussent là sur ton chemin/Si cela te plaît, tu peux y goûter » Quatre siècles plus tard, en 1877, la comtesse belge Juliette de Robersart écrit dans ses lettres d'Espagne : « Il y a des torrents, des montagnes, des précipices et des mules pour passer au travers de tout. Que les coquilles de saint Jacques me protègent ! »
Je pourrais vous citer d'autres extraits de ces soixante-dix récits dont le souffle est si vif qu'il traverse le temps. Rien de plus émouvant pour un pèlerin d'aujourd'hui que de suivre les traces de ces pionniers qui nous ont devancés, ont dormi dans la paille et le froid, bravé l'inconfort et les risques, pour aller se recueillir devant le tombeau de Jacques.
Merci à eux de nous avoir ouvert la voie et d'avoir participé à tracer un des pèlerinages majeurs de la chrétienté.
*Le voyage à Compostelle, du Xe au XXe siècle, par Adeline Rucquoi, Françoise Michaud-Fréjaville et Philippe Picone, 1536 p., 33 euros, Robert Laffont (collection « Bouquins »)
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