Une année avec Saint Augustin

2 e semaine de Pâques, lundi La mesure est d’aimer sans mesure Dans ce sermon prêché à Carthage durant l’été 397 et découvert par François Dolbeau en 1990, Augustin commente, en des termes enflammés l’amour de Dieu et du prochain. D ans le premier et le plus grand comman- dement, tu lis : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit . Lorsque tu commences d’aimer Dieu, alors tu t’aimes toi-même. N’aie pas peur. Aime autant que tu le veux ; tu n’exa- géreras pas. Pour l’amant de Dieu, la mesure est d’aimer sans mesure. Attache-toi donc de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, car tu ne disposes de rien d’autre. Qu’aurais-tu de plus pour aimer ton Dieu que toi-même tout entier ? Ne crains donc pas de périr faute de te réserver de quoi t’aimer. Tu ne périras pas, car en t’attachant à Dieu de tout toi-même, tu rési- deras où l’on ne périt pas. Mais si tu laisses se relâcher chez toi l’affection, tu ne seras pas en lui mais en toi. Alors tu es en perdition, parce que tu es sur un esquif périssable. Si tu souhaites ne pas périr, sois en celui qui ne peut périr. La force de l’amour le peut, l’ardeur de la passion le peut. Dans ces arrachements sordides et honteux, considérons ceci. Les passionnés de courses sont tout entiers pendus à leur spectacle ; ils ne sont plus que dans celui qu’ils regardent ; le passion- né ne se regarde absolument plus lui-même ; il ne sait plus où il est. Son voisin, de passion plus tiède, le voyant enflammé, ne peut que dire : il est hors de lui. Toi aussi, s’il se peut, quand tu es en Dieu, ne cherche pas à rester avec toi. Si tu es resté avec toi, tu te livres à toi-même, tu vas te perdre, tu n’es pas en mesure de te garder (…) . Ainsi était-il nécessaire que ces deux com- mandements fussent proposés, car celui qui aime son prochain n’aime pas, si d’abord il n’aime Dieu. S’il aime Dieu, il n’aime pas l’ini- quité, car il ne veut pas, aimant l’iniquité, haïr son âme. Si donc il n’aime pas l’iniquité, qu’il aime l’équité, et cette fois il aime Dieu. Qu’il ne fasse pas semblant de le chercher des yeux ; qu’il le cherche avec son esprit, plus encore, qu’il s’attache à lui avec son cœur et son désir. Qu’il ne se mette pas devant les yeux ce qui n’est pas Dieu, de peur qu’il ne s’attache à un non-dieu, de peur qu’il ne poursuive une idée creuse. Et pour que nous ne risquions pas d’être égarés par une telle idée et que nous ne nous composions pas un dieu selon notre désir charnel et ne le façonnions selon notre volonté, l’Écriture nous écarte de telles pensées en disant : Dieu est cha- rité . Si donc tu aimes, aime (la source) d’où tu aimes, et c’est Dieu que tu aimes. N’as-tu pas entendu : Car celui qui aime l’iniquité, hait son 2 e semaine de Pâques, lundi Temps pascal 320

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